Je vous avais parlé dans ce billet d'une lettre de Charlotte Brontë à Constantin Héger. C'est en fait quatre lettres qui nous restent, écrites entre Octobre 1844 et Novembre 1845.
Ces lettres me touchent, elles sont écrites en français (un français presque parfait ! Impressionnant) et elles témoignent d'une passion déchirante. Nous n'avons pas la réponse de M. Héger mais nous savons que sa femme et lui ont trouvé les lettres de Charlotte inconvenantes. Trois de ces quattre lettre ont été déchirées (par M: Héger ?) et méticuleusement reconstituées et recousues (par sa femme ?). Les manuscrits sont visibles sur le site de la British Library.
Voici la première, datée du 24 Octobre 1844, j'ai laissé les petites fautes de français et la ponctuation d'origine.
Haworth Monsieur Je suis toute joyeuse ce matin - ce qui ne m'arrive pas souvent depuis deux ans - c'est parceque un Monsieur de mes connaissances va passer par Bruxelles et qu'il a offert de se charger d'une lettre pour vous - laquelle lettre il vous remettra luimême, ou bien, sa soeur de sorte que je serai certaine que vous l'avez reçue. Ce n'est pas une longue lettre que je vais écrire - d'abord je n'ai pas le temps - il faut que cela parte tout de suite et ensuite je crains de vous ennuyer. Je voudrais seulement vous demander, si vous avez reçu de mes nouvelles au commencement du mois de Mai et puis au mois d'Août? Voilà six mois que j'attends une lettre de Monsieur - six mois d'attente c'est bien long, cela! Pourtant je ne me plains pas et je serai richement récompensée pour un peu de chagrin - si vous voulez maintenant écrire une lettre et la donner à ce monsieur - ou à sa soeur qui me la remettrait sans faute. Quelque courte que soit la lettre j'en serai satisfaite - n'oubliez pas seulement de me dire comment vous vous portez Monsieur et comment Madame et les enfants se portent et les maîtresses et les élèves. Mon père et ma soeur vous presentent leurs respects - l'infirmité de mon père augment peu à peu - cependant il n'est pas encore tout à fait aveugle - mes soeurs se portent bien mais mon pauvre frère est toujours malade. Adieu Monsieur, je compte bientôt avoir de vos nouvelles - cette idée me sourit car le souvenir de vos bontés ne s'effacera jamais de ma memoire et tant que ce souvenir durera <?l'affection> le respect qu'il m'a inspiré durera aussi Votre élève très dévouée C Brontë Je viens de faire relier tous les livres que vous m'avez donnés quand j'étais encore à Bruxelles j'ai un plaisir à les considérer - cela fait tout une petite bibliothèque - Il y a d'abord les ouvrages complets de Bernardin St Pierre - Les Pensées de Pascal - un livre de poësie, deux livres allemands - et (ce qui vaut tout le reste) deux discours de Monsieur le Professeur Heger - prononcés à la Distribution des Prix de l'Athénée royal - Octbe. 24th 1844